La nuit oubliée (web documentaire)

Dans un communiqué de presse du 5 octobre 1961, le préfet de police Maurice Papon conseille « de la façon la plus pressante » aux Français Musulmans d’Algérie (FMA) « de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement entre 20h30 et 5h30 du matin ». Inspiré du couvre-feu, ce dispositif a été mis en place pour « mettre un terme » officiellement « aux agissements criminels des terroristes algériens ». En fait, il est violemment critiqué pour son aspect discriminatoire et légalement indéfendable.

50 ans après, Olivier Lambert et Thomas Salva nous invitent à reconstruire une parcelle de cette histoire commune : cette nuit oubliée du 17 octobre 1961 étant « le point culminant de la lutte entre l’Etat français et le mouvement nationaliste algérien du FLN, sur le territoire métropolitain ». Les internautes accèdent ainsi à des images rares, provenant des archives de l’INA, à des documents confidentiels (notes d’information, registre de l’Institut médico-légal, dénonciation de la répression sanglante par des policiers républicains…).A Paris, le 17 octobre 1961, des hommes et des femmes se réunissent sur les grands boulevards pour protester contre cette mesure raciste. Officiellement, 11538 personnes ont été arrêtées. Plus de 300 ont disparu : écrasées, matraquées, noyées, assassinées. Témoin de cette violente répression, Georges Azenstarck, photographe auprès de L’Humanité a pu prendre quelques photos depuis le balcon du quotidien, Khaled Benaissa (11 ans) a tout vu : « J'ai trébuché... sur des tas de personnes déjà tombées, et d'autres personnes me sont tombées dessus. Je me suis dit ça y est je suis mort. »

Ce web documentaire est découpé en quatre parties : la manifestation, les coulisses, la guerre d’Algérie et le souvenir.

Dans la première, les auteurs nous font revivre la manifestation du 17 octobre 1961, à travers les témoignages d’Algériens, de Français, sympathisants du FLN qui ont vécu la répression sanglante. Présents par conviction, par obligation ou par hasard, six d’entre eux se souviennent : Khaled Benaissa (enfant en 1961), Catherine Lévy (étudiante), Khelifa Mouterfi (cadre d’entreprise), Rahim Rezigat (ouvrier), Georges Azenstarck (photojournaliste), Clara et Henri Benoîts (militants syndicaux).

Dans la deuxième, on découvre derrière la répression sanglante, les jeux de pouvoir avec les interviews de Constantin Melnik (conseiller de Michel Debré en 1961), Ali Haroun (dirigeant du FLN en France), Pierre de Buxeuil de Roujoux (commandant en second de la Force de Police Auxiliaire) et Michel Rocard (inspecteur des Finances, membre fondateur du PSU).

Dans la troisième, les auteurs ont choisi de resituer la manifestation dans le contexte de la guerre d’Algérie en choisissant sept moments clés de ce conflit, longtemps considéré comme une simple « opération de maintien de l’ordre » : 1er novembre 1954, décembre 1958, 16 septembre 1959, 8 janvier 1961, 21 avril 1961, 18 mars 1962 et 5 juillet 1962. Des dates pour comprendre cette guerre qui a opposé l’Etat français à des Indépendantistes algériens.

Dans la quatrième partie enfin, les auteurs invitent les internautes à fouiller le passé, visiter les lieux de l’oubli et retrouver les traces de la répression du 17 octobre 1961 dans le paysage urbain parisien. Pour ne pas oublier.